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Dans cette série d’articles, je vous propose de découvrir les doulas, avec leurs points communs et leurs différences, leurs histoires et leurs valeurs. Convaincue qu’il existe une doula pour chaque famille, j’ai eu envie d’interviewer mes consoeurs pour qu’elles décrivent à leur manière leur métier de doula. Je vois ce métier comme un métier coloré : chaque doula a, à mes yeux, sa propre couleur, sa propre manière d’exercer. Ces articles seront une occasion pour vous de découvrir les portraits de ces femmes incroyables qui se mettent au service des familles pour les accompagner dans leurs questionnements et leur vie.

Yanick, doula

Aujourd’hui, je vous présente Aude, doula dans le sud de l’Ardèche (Aubenas, Joyeuse, Largentière… entre le Gard et les Cévennes). C’est elle qui m’a parlé pour la première fois du Centre Galanthis, alors si je suis ici aujourd’hui, c’est entre autres grâce à elle !

Emmène-nous dans tes voyages !

Dès mon adolescence, j’ai eu des envies de voyage, notamment grâce à mes lectures. J’adorais lire. Un jour, quand j’avais 11 ans et demi, j’ai lu un bouquin avec une histoire d’enfants qui nageaient avec des dauphins. J’ai dit à ma mère “Moi aussi, je veux nager avec les dauphins !“. On a cherché, et on a découvert qu’il était possible de partir en voyage sur la Fleur de Lampaul, un vieux gréément en bois. Les adolescents partaient sur un voilier faire des expéditions de neuf mois ! Mes parents m’ont laissé libre de postuler pour rejoindre l’aventure. Et c’est comme ça que je suis allée jusqu au dernier stage de sélection. Mais je n’ai pas été sélectionnée.

Quelques années plus tard, ma mère m’a montré un article de journal qui présentait l’association la Baleine Blanche. Cette association organisait également des voyages longs. J’ai postulé et cette fois, je suis partie neuf mois, pendant mon année de seconde. On a voyagé vers l’Afrique de l’Ouest, sur des voiliers modernes. On est partis de Marseille, on est allés en Espagne, au Maroc… puis on s’est arrêtés aux îles Canaries, en Mauritanie, au Sénégal, et on est allés en Gambie, pendant 2 ou 3 mois. Au retour, nous sommes passés à Madère en Tunisie, en Sardaigne et en Corse. Ca a été complètement dingue comme expérience ! Le retour a été dur, avec la découverte du lycée.

J’ai passé mon bac (plus pour mes parents !), puis je suis retournée en Bretagne pour passer le monitorat de voile croisière. J’y ai rencontré mon ex-compagnon, avec qui on a acheté un bateau. On a vécu pendant 5 ans entre la France et les Etats-Unis, en passant par le Cap Vert ! J’ai traversé l’Atlantique trois fois (on a fait une boucle et demie), fait du cabotage aux Açores, aux Canaries, le long des Caraïbes…

Voilà donc ma “première vie” ! Je suis rentrée en France j’avais, 26 ans. On pourrait se dire que le plus dur c’est de partir… mais en fait, c’est de revenir, de sentir que l’on attend de toi que tu rentres dans un moule, la pression des charges que tu dois payer Le retour a été difficile pour moi en tout cas !

D’où t’es venu ton intérêt autour du cycle féminin ?

Cela vient directement du fait que ma relation de couple s’est très mal terminée. Suite à cette rupture, je suis entrée dans une longue phase de reconstruction.

Cela m’a donné l’élan de m’emparer de la question du féminin. Qu’est-ce que c’est qu’être une femme ? Comment fonctionne son corps ? Il y avait plein de choses que je ne connaissais pas. J’ai eu très peu d’informations à ce sujet lorsque j’étais plus jeune.

Je me suis intéressée au début à tout ce qui était en lien avec le corps de la femme, le cycle féminin, les règles, la puberté. Et puis après, je suis arrivée à la grossesse, l’accouchement la maternité et le post-partum

J’ai effectué de nombreux stages autour du cycle féminin, de la féminité. J’y ai croisé de superbes personnes. Cela m’a énormément inspiré, c’est venu alimenter ma curiosité. Cela m’a poussé à vouloir rendre et transmettre ce qu’on m’avait offert, et tout ce que j’avais ENFIN appris !

Depuis mon retour en France, j’ai aussi déconstruit beaucoup de choses autour du patriarcat, autour de la condition des femmes, du relationnel. Ce sont vraiment des sujets qui me passionnent. Un jour, une amie m’a parlé du métier de doula. Au début, l’aspect périnatal m’a donné l’impression que cela ne correspondrait pas à mes besoins. Mais après une année de réflexion, ça a fait sens. Grâce à ce métier je pourrais rassembler toutes mes compétences autour de la femme. Je percevais déjà ce métier comme une possibilité d’expression des mes différentes facettes.

Que t’a apporté ta formation de doula ?

Ma formation m’a donné des clés. Je suis allée guérir beaucoup de blessures, des choses familiales ou même des choses dont je n’avais pas conscience au début de mon parcours.

Elle m’a apporté des connaissances pointues sur les sujet de la grossesse, sur l’accouchement.

J’ai vite pris conscience que cette formation m’apporterait la légitimité qui me manquait pour oser proposer des stages, créer et cocréer des événements.

J’ai découvert la force du collectif au travers d’un extraordinaire groupe de femmes. J’avais l’impression de participer à des cercles de femmes géants pendant trois ou quatre jours d’affilée.

Bon, j’avais aussi l’impression de passer à l’essoreuse parce qu’on apprenait des quantités de choses très importantes !!!

Certains modules m’ont beaucoup plus impactés parce que c’était en résonance avec mon histoire personnelle. C’était une opportunité de guérison. Par exemple, le module sur le couple m’a mise par terre… C’est venu réveiller des choses hyper violentes en moi. J’ai passé le week-end à pleurer, mais cela me permettait aussi de comprendre que mes blessures étaient à ces endroits-là. Et j’ai reçu du soutien… j’ai pris conscience que c’était possible d’être soutenue dans ces moments-là et j’ai beaucoup aimé !

Cette formation de doula m’a émerveillée en me faisant découvrir le pouvoir du corps des femmes, leurs capacités à créer un être humain, leurs forces pendant l’accouchement, les compétences de leur corps pour nourrir leur bébé… Depuis, je me suis dit que ce serait ok d’avoir des enfants, alors qu’avant ce n’était pas envisageable !

Tu n’as pas d’enfants, cela a-t-il un impact sur ta manière d’exercer ?

Certaines personnes se posent la question de la légitimité. J’ai écrit un article sur mon blog à ce sujet. Je me suis beaucoup questionnée, car le métier de doula correspondait tout à fait à ce que je voulais faire… Mais… je n’avais pas d’enfant et je n’en voulais pas. En quoi est-ce que ça allait nuire à ma capacité d’écoute et de présence ? En rien. La posture d’écoute et d’accueil de l’autre n’a rien à voir avec le fait d’avoir ou non des enfants. C’est possible d’avoir les compétences et la compréhension de l’humain, d’acquérir des outils comme la CNV qui permettent d’accompagner les familles. Faut-il nécessairement avoir connu un deuil périnatal ou de la pré-éclampsie pour accompagner de manière empathique ces passages de vie ? Le débat est vaste à ce sujet, et très personnel évidemment.

Pour ma part, Cela me permet d’accompagner les familles sans plaquer sur elles une expérience que j’aurais vécue. Cela m’évite de faire du “transfert”.

En terme pratico-pratique, c’est un avantage de ne pas avoir d’enfants. Je bosse comme je veux, quand je veux. Je n’ai pas d’enfant à aller chercher à 16h-16h30. Si je veux travailler le week-end, c’est possible. Et en termes de disponibilité, j’en ai plus que des doulas qui sont mamans et ont souvent des enfants en bas âge.

Du coup, je vis ça aujourd’hui comme une chance de ne pas avoir à gérer une casquette de maman en plus de la casquette de jeune entrepreneure.

Quand s’est manifesté ton envie de créer ?

Enfant, j’ai beaucoup créé, bricolé, peint des aquarelles, fabriqué des mobiles… Depuis mon bac, et mes années en bateau, j’en ai été assez déconnectée. A mon retour en France, cette part de moi a commencé à revenir en douceur. C’est aujourd’hui un autre pan de mon activité.

En plus de mes accompagnements, je souhaite développer et proposer des stages autour de la créativité et du féminin.

Quelle est ta couleur de doula ?

Ma couleur de doula, c’est de proposer des moments de création en plus des accompagnements avec les parents. On va créer cocréer des souvenirs de la grossesse ou du post partum si ielles le souhaitent.

C’est un service très organique. D’une famille à l’autre, c’est différent. Certains ont envie d’avoir un souvenir comme un moulage en plâtre de leur ventre en fin de grossesse. D’autres souhaitent créer des cartes d’empuissancement pour la grossesse ou l’accouchement. Cela peut aussi être des faire-parts de naissance, ou un album photo de la grossesse et des premiers jours de bébé… Tout est possible !

Ces moments de création sont des espaces où on va parfois pouvoir s’emparer de l’émotionnel. Ça peut être un prétexte à venir aborder certaines thématiques ou explorer une émotion. Pourquoi est-ce que j’ai peur ? Comment je me sens ? Quel lien j’ai à mon bébé ? Je souhaite amener la créativité dans mes accompagnements de doula pour ouvrir ces espaces de paroles et de partages.

Ces espaces permettent de pouvoir poser à l’extérieur de soi une émotion. C’est quelque chose qui est très fort de le symboliser et le matérialiser. Cela permet souvent aussi de prendre un peu de recul.

J’ai aussi envie d’apporter aux parents un soutien logistique en les accompagnant à préparer l’espace du bébé. Parfois en fin de grossesse, on est débordé. L’espace de bébé n’est pas prêt, et quand le coparent travaille, cela peut être compliqué de terminer ce projet sereinement. Je peux venir avec mes outils ! J’ai un côté un peu Mc Gyver, je sais faire des trous dans du placo proprement, je sais installer des chevilles ou une tringle à rideaux. Les notices des meubles ne me font pas peur et j’adore agencer les espaces, aider à faire du tri!!!

Globalement, j’ai envie d’accompagner les parents pour qu’iels se fassent confiance dans ces passages de vie. J’ai envie qu’iels se sentent totalement libres en ma présence. Je souhaite les accompagner à construire leur souveraineté, afin qu’iels fassent les choix qui leur correspond.

Exerces-tu le métier de doula à temps plein ?

Je suis en démarrage d’activité depuis la fin de l’année 2021.

Je suis persuadée qu’on peut en vivre si on a une diversité d’activités et une plus value à apporter. Je pense que mon activité va être un équilibre entre la vente de mes créations, les accompagnements, les moments créatifs et les autres services que je propose.

J’ai hâte de pouvoir proposer des stages, et des retraites pour aller explorer sa créativité pendant sa grossesse.

Peux-tu me raconter quelque chose d’incroyable qui t’es arrivé en tant que doula ?

C’était il y a un moment déjà. J’étais avec ma mère et mon frère à Décathlon à Lyon pour faire quelques courses. Soudain, mon frère vient me voir en panique. Il était tout blanc et me dit “Une femme accouche !!! Elle n’est pas bien du tout !”. Elle n’était pas en train d’accoucher, mais en effet, elle n’était pas bien.

J’ai pris le temps avec elle de discuter avec elle pour savoir ce qu’il se passait. Elle m’a dit qu’elle avait mal au dos et n’en pouvait plus, que cela faisait trois mois qu’elle dormait mal. J’ai fait de l’écoute active à Décathlon !!! Ça a duré dix minutes, un quart d’heure. J’ai accueilli ses émotions et je les ai vraiment entendues. Je lui ai dit que c’était ok d’aller se faire masser. Sa sage-femme lui avait fait peur des effets potentiels d’un massage durant sa grossesse, et elle ne s’était par conséquent pas autorisée à aller voir un osthéo ou à reçevoir un massage.

Près de 2 ans après, de manière totalement inattendue, j’ai reçu un message : “Bonjour je suis madame X, j’ai réussi à vous retrouver ! J’ai souvent pensé à vous et j’avais cherché à vous remercier parce que vous avez été là quand ça n’allait pas, et qu’à ce moment-là, vous m’avez écoutée.” avec une photo de son enfant qui avait déjà un an et demi.

C’était dingue de me rendre compte qu’avec une vraie présence durant quinze minutes, cela peut faire du bien. Cela ne change pas leur vie, cela ne diminue pas la douleur, mais c’est un beau cadeau. Je suis heureuse de pouvoir apporter cela. Ce petit plus qui fait que tout à coup, au milieu de la tempête, tu aperçois les rayons du soleil à travers les nuages.

Vous avez envie de découvrir l’accompagnement que vous propose Aude, vous pouvez découvrir son site : https://www.au-doula-des-apparences.fr